L'OCCUPATION DU TERRITOIRE ONTARIEN PAR LES FRANCOPHONES : EXPLORATIONS ET ENRACINEMENTS

L'épopée française sur le territoire de l'actuel Ontario débute en 1610 avec le voyage d'Étienne Brûlé, bientôt suivi par une foule d'autres Français, explorateurs, missionnaires, commerçants de fourrures, coureurs des bois, soldats ou colons, généralement animés d'un grand esprit d'aventure. Ils contribuent tous à bâtir un empire français aux dimensions démesurées, dont la région des Grands Lacs constitue le carrefour. Malgré cet immense effort de reconnaissance du territoire, la France finit par céder la Nouvelle-France et ses vastes Pays d'en haut à l'Angleterre en 1763, après avoir vu son empire territorial amputé en 1713. Le commerce des fourrures et l'exploration, qui sont les moteurs principaux de développement sous le Régime français, laissent peu de traces sur le territoire. Une population française s'est enracinée le long des rives de la rivière Détroit, dans la région de Windsor, mais là s'arrête la zone de peuplement permanent issu du Régime français. Pourtant, l'épopée française se poursuit. Venus de la vallée du Saint-Laurent, les Canadiens français participent activement à l'évolution du Haut-Canada puis de l'Ontario, au XIX^e siècle et au XX^e siècle. Au Sud, ils s'intègrent aux milieux ruraux et urbains à la faveur des différentes étapes du développement économique dynamique que connaît cette région. Malgré une certaine tendance à se regrouper, ils se dispersent au sein d'une majorité anglophone et protestante dans une région dont la densité démographique est plus forte que dans les autres régions ontariennes. En 1971, les 299 000 francophones du Sud représentent plus du tiers de la population franco-ontarienne, mais 5 % seulement de la population totale du Sud. Le caractère multiethnique de la francophonie torontoise contribue aux remises en question et redéfinitions de l'identité franco-ontarienne. Dans l'Est, la population francophone s'installe surtout dans la deuxième moitié du XIX^e siècle, dans la foulée du développement de l'industrie forestière, de la colonisation agricole et de la croissance de la ville d'Ottawa, érigée au rang de capitale en 1857. L'arrivée de forts contingents canadiens-français dans cette région entraîne l'établissement de communautés souvent homogènes ou à forte composante francophone. Avec Ottawa, l'Est ontarien, qui réunit 218 000 Franco-Ontariens en 1971, est souvent perçu comme le pilier de l'Ontario français. Un nombre important de Canadiens français participent également au développement du Nord ontarien, ouvert au développement à partir de 1880. Ils sont attirés par la construction des chemins de fer, le développement de l'industrie minière et de l'industrie forestière, et poussés par le mouvement de colonisation et de retour à la terre si cher aux élites canadiennes-françaises. Là encore, ils arrivent à constituer des concentrations francophones importantes et même majoritaires dans des centres comme Cochrane, Kapuskasing et Hearst. Comptant 220 000 représentants, la francophonie du Nord ontarien se montre profondément attachée au sort particulier qui a été le sien et qui a donné naissance à une forte identité. Les fourrures d'abord, ensuite l'agriculture, l'industrie forestière, l'industrie minière et les autres secteurs industriels, sans oublier le développement du réseau de transport, sont les moteurs économiques qui expliquent la direction et l'évolution des mouvements migratoires par lesquels s'est constituée la population franco-ontarienne. Les mêmes facteurs économiques contribuent fortement à déterminer l'habitat et la vie quotidienne des Franco-Ontariens à toutes les époques de leur histoire.